Bonjour.
Voici ma critique du film Joker, que j'ai vu en VF. Les spoilers sont signalés en vert.
J'avais très peu d'attentes concernant ce film. Si j'admire la performance d'Heath Ledger dans the Dark Knight (qui reste pour moi la meilleure interprétation du Joker au cinéma à ce jour), je ne suis pas fermé à d'autres représentations du personnage iconique. Pour preuve, j'ai apprécié la performance de Jared Leto dans Suicide Squad. Le personnage est suffisamment intéressant pour être décliné de façon multiple, tant que son essence est respectée, c'est à dire tant qu'il est fou et dérangeant. Je partais cependant sceptique quant au projet. A l'instar de Venom, la stratégie commerciale et artistique me paraissait bancale: faire un film sur un personnage autant lié à un autre (Spider-man pour Venom, Batman pour le Joker) sans celui-ci me paraissait terriblement risqué. Sans son antagoniste principal, le personnage pouvait facilement se voir vider de sa substance et de sa raison d'être thématique. Qui plus est, je trouve particulièrement bancal de développer un univers cinématographique (le DCEU) et de finalement faire un film indépendant sans lien avec cet univers. Au moins, contrairement à Venom (qui est affligeant), je pouvais espérer un film intéressant et psychologiquement profond.
J'ai adoré ce film! Pour être exact, il m'a pris aux tripes. Il est perturbant, relativement malaisant... Il réussit donc pleinement son pari. Il est magistral!
J'avais peur de voir les origines du personnages, qui seraient forcément décevantes. Pour moi, expliquer la folie du Joker ne ferait que l'affaiblir. Heureusement, il n'en ai rien, le personnage principal étant déjà atteint de maladie mentale au début du film. Les prémisses à sa folie sont dès le départ installées. Tout au long du film, il ne devient pas le Joker. Il l'est déjà dès le début. Il se révèle simplement, à la société et à lui-même. Cette révélation progressive tout au long du film permet à l'acteur de pleinement incarner le personnage lorsqu'il revêt son costume à la fin, tel un accomplissement. Il ne se laisse pas sombrer dans la folie, il a toujours été comme ça. Au contraire, le personnage n'est pas détruit par les événements, ils le construisent. Le hasard des événements initie la révélation de la pleine mesure de sa folie, c'est tout. Il s'agit de l'inverse du schéma classique lié à ce sujet. Il se libère, montre son potentiel. Ce n'est pas une chute dans la folie, mais une ascension. Il la laisse jaillir, révèle ses capacités, et son plein potentiel.
Une autre de mes inquiétudes était la morale politique et sociale. J'avais peur qu'elle vienne expliquer la folie du personnage, ce qui serait hors-propos. Heureusement, elle n'est pas menée au bout, ne servant que de background. Le personnage avoue lui même qu'il s'en fiche, que ce n'est pas important pour lui. Ce contexte ne sert qu'à montrer la folie et l'absurdité du monde en général, qui est certes un terreau fertile pour un tel personnage, mais qui est surtout prétexte à l'adulation d'une telle figure maléfique. Il est un symbole malgré lui. Le monde admire le Joker, ce qui est fou en soit. Cela est très bien traité par le film, qui montre le désespoir des gens.
Si au début, quelques scènes permettent de ressentir de l'empathie face au personnage (la scène du bus avec la petite fille, montrant l'individualisme des gens et le peu de tolérance face au handicap), le film a l'intelligence de ne pas abuser de cela. Il ne nous demande pas de faire preuve d'empathie, ce qui serait incohérent. Le Joker est fascinant, mais on ne le prend pas en pitié. Ce n'est pas ce que veut le film, comme le montre le fait qu'il n'exprime aucun remord à ses actes. Même malgré sa folie (traitée comme un handicap uniquement au début du film), un personnage positivement représenté exprimerait du remord. Ainsi, le film va plus loin qu'un simple laissé pour compte par la société, qui n'a pas eu de chance. Tout le monde ne réagirait pas comme le Joker face à ces événements. Le film ne nous demande pas de faire preuve d'empathie, ce n'est clairement pas le but. Ce serait passer à côté du film.
Bien évidemment, la performance d'acteur est irréprochable, afin de dépeindre tout cela. J'ai également adoré l'univers du film, qui assume pleinement son contexte (Gotham poisseuse et misérable, présence de la famille Wayne, hôpital d'Arkham, clin d’œil sympathique du jeune Bruce Wayne descendant d'un jeu à l'aide d'une barre, etc). Cela permet de jouer avec cet univers bien connu, offrant de multiple points de vue possible. Par exemple, on peut se questionner sur la morale de Thomas Wayne, qui n'est pas dépeint comme le Samaritain qu'il est sensé être. J'ai également adoré la possibilité que le Joker soit le frère caché de Bruce Wayne! C'est l'idée la plus brillante du film selon moi, je voulais y croire malgré la différence d'âge problématique que cela implique (différence d'âge qui reste problématique dans l'optique que Batman affrontera plus tard le Joker).
Pour revenir à la folie du personnage, je la trouve incroyablement bien traitée. On ne sait jamais ce qu'il pense. Il est souvent "incohérent", ne respectant pas sa psyché établie en amont. Cela montre l'étendue de sa folie, et créé une perte de repère dérangeante. La rationalisation de sa folie est illusoire, car elle ne suit aucune règle, comme le montre les différentes réalités qu'il envisage. Sa folie n'est pas constante. Le personnage est parfois uniquement réactif, parfois terriblement froid et calculé. Le climax est incroyable à ce niveau là. Le personnage révèle qu'il est lucide sur plein de choses finalement, contrairement à ce qu'il laissait paraître. Il finit même par devenir presque omniscient, brisant le 4e mur en nous révélant par le montage qu'il est conscient de son futur lié à Batman. Ainsi, ce détail final, ajouté à l'importance de Thomas Wayne dans le film, permet de correctement traiter le Joker comme Némésis lié au futur Batman, avec l'idée géniale d'en faire la cause indirecte du meurtre des parents de Bruce.
Si pour l'instant je n'en dis que du bien, le film possède quand même quelques défauts. Par exemple, je trouve dommage le manque de subtilité de la révélation concernant sa petite amie. Il aurait été beaucoup plus intéressant à mon sens de ne pas montrer la réalité factuelle, afin d'encore plus approfondir le travail sur la perception faussée de la réalité par le personnage. Egalement, je trouve que l'ombre du Joker d'Heath Ledger plane sur plusieurs aspects du film. En particulier, si la musique est excellente, elle essaie parfois de singer l'excellent thème du personnage composé par Zimmer pour the Dark Knight. Ce détail m'a beaucoup embêté.
Ainsi, ce film est pour moi une grande réussite. Il a réussi à me transporter et profondément me questionner, au point que je me demande si je ne l'ai pas sur-interprété. Cependant, pour moi, l'interprétation d'Heath Ledger reste meilleure. Dans the Dark Knight, il est le Joker, à son plein potentiel, alors qu'ici, Joaquin Phoenix montre la génèse (et non la naissance) du personnage. Le Joker de Ledger est intelligent, il maîtrise son environnement et manipule les autres personnages, tout en dépeignant une folie perturbante. Il maîtrise sa folie. Le Joker de Phoenix apprend à la maîtriser, à la libérer. Finalement, ce Joker pourrait presque être un prequel de celui de Ledger !
Bref, c'est un film que je vous recommande grandement!
J'ai adoré ce film! Pour être exact, il m'a pris aux tripes. Il est perturbant, relativement malaisant... Il réussit donc pleinement son pari. Il est magistral!
J'avais peur de voir les origines du personnages, qui seraient forcément décevantes. Pour moi, expliquer la folie du Joker ne ferait que l'affaiblir. Heureusement, il n'en ai rien, le personnage principal étant déjà atteint de maladie mentale au début du film. Les prémisses à sa folie sont dès le départ installées. Tout au long du film, il ne devient pas le Joker. Il l'est déjà dès le début. Il se révèle simplement, à la société et à lui-même. Cette révélation progressive tout au long du film permet à l'acteur de pleinement incarner le personnage lorsqu'il revêt son costume à la fin, tel un accomplissement. Il ne se laisse pas sombrer dans la folie, il a toujours été comme ça. Au contraire, le personnage n'est pas détruit par les événements, ils le construisent. Le hasard des événements initie la révélation de la pleine mesure de sa folie, c'est tout. Il s'agit de l'inverse du schéma classique lié à ce sujet. Il se libère, montre son potentiel. Ce n'est pas une chute dans la folie, mais une ascension. Il la laisse jaillir, révèle ses capacités, et son plein potentiel.
Une autre de mes inquiétudes était la morale politique et sociale. J'avais peur qu'elle vienne expliquer la folie du personnage, ce qui serait hors-propos. Heureusement, elle n'est pas menée au bout, ne servant que de background. Le personnage avoue lui même qu'il s'en fiche, que ce n'est pas important pour lui. Ce contexte ne sert qu'à montrer la folie et l'absurdité du monde en général, qui est certes un terreau fertile pour un tel personnage, mais qui est surtout prétexte à l'adulation d'une telle figure maléfique. Il est un symbole malgré lui. Le monde admire le Joker, ce qui est fou en soit. Cela est très bien traité par le film, qui montre le désespoir des gens.
Si au début, quelques scènes permettent de ressentir de l'empathie face au personnage (la scène du bus avec la petite fille, montrant l'individualisme des gens et le peu de tolérance face au handicap), le film a l'intelligence de ne pas abuser de cela. Il ne nous demande pas de faire preuve d'empathie, ce qui serait incohérent. Le Joker est fascinant, mais on ne le prend pas en pitié. Ce n'est pas ce que veut le film, comme le montre le fait qu'il n'exprime aucun remord à ses actes. Même malgré sa folie (traitée comme un handicap uniquement au début du film), un personnage positivement représenté exprimerait du remord. Ainsi, le film va plus loin qu'un simple laissé pour compte par la société, qui n'a pas eu de chance. Tout le monde ne réagirait pas comme le Joker face à ces événements. Le film ne nous demande pas de faire preuve d'empathie, ce n'est clairement pas le but. Ce serait passer à côté du film.
Bien évidemment, la performance d'acteur est irréprochable, afin de dépeindre tout cela. J'ai également adoré l'univers du film, qui assume pleinement son contexte (Gotham poisseuse et misérable, présence de la famille Wayne, hôpital d'Arkham, clin d’œil sympathique du jeune Bruce Wayne descendant d'un jeu à l'aide d'une barre, etc). Cela permet de jouer avec cet univers bien connu, offrant de multiple points de vue possible. Par exemple, on peut se questionner sur la morale de Thomas Wayne, qui n'est pas dépeint comme le Samaritain qu'il est sensé être. J'ai également adoré la possibilité que le Joker soit le frère caché de Bruce Wayne! C'est l'idée la plus brillante du film selon moi, je voulais y croire malgré la différence d'âge problématique que cela implique (différence d'âge qui reste problématique dans l'optique que Batman affrontera plus tard le Joker).
Pour revenir à la folie du personnage, je la trouve incroyablement bien traitée. On ne sait jamais ce qu'il pense. Il est souvent "incohérent", ne respectant pas sa psyché établie en amont. Cela montre l'étendue de sa folie, et créé une perte de repère dérangeante. La rationalisation de sa folie est illusoire, car elle ne suit aucune règle, comme le montre les différentes réalités qu'il envisage. Sa folie n'est pas constante. Le personnage est parfois uniquement réactif, parfois terriblement froid et calculé. Le climax est incroyable à ce niveau là. Le personnage révèle qu'il est lucide sur plein de choses finalement, contrairement à ce qu'il laissait paraître. Il finit même par devenir presque omniscient, brisant le 4e mur en nous révélant par le montage qu'il est conscient de son futur lié à Batman. Ainsi, ce détail final, ajouté à l'importance de Thomas Wayne dans le film, permet de correctement traiter le Joker comme Némésis lié au futur Batman, avec l'idée géniale d'en faire la cause indirecte du meurtre des parents de Bruce.
Si pour l'instant je n'en dis que du bien, le film possède quand même quelques défauts. Par exemple, je trouve dommage le manque de subtilité de la révélation concernant sa petite amie. Il aurait été beaucoup plus intéressant à mon sens de ne pas montrer la réalité factuelle, afin d'encore plus approfondir le travail sur la perception faussée de la réalité par le personnage. Egalement, je trouve que l'ombre du Joker d'Heath Ledger plane sur plusieurs aspects du film. En particulier, si la musique est excellente, elle essaie parfois de singer l'excellent thème du personnage composé par Zimmer pour the Dark Knight. Ce détail m'a beaucoup embêté.
Ainsi, ce film est pour moi une grande réussite. Il a réussi à me transporter et profondément me questionner, au point que je me demande si je ne l'ai pas sur-interprété. Cependant, pour moi, l'interprétation d'Heath Ledger reste meilleure. Dans the Dark Knight, il est le Joker, à son plein potentiel, alors qu'ici, Joaquin Phoenix montre la génèse (et non la naissance) du personnage. Le Joker de Ledger est intelligent, il maîtrise son environnement et manipule les autres personnages, tout en dépeignant une folie perturbante. Il maîtrise sa folie. Le Joker de Phoenix apprend à la maîtriser, à la libérer. Finalement, ce Joker pourrait presque être un prequel de celui de Ledger !
Bref, c'est un film que je vous recommande grandement!
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